Ça y
est ! C'est le printemps ! Entendez-vous le trille du joli geai dans les branches encore
nues des peupliers blancs. Voyez-vous les mouches voltiger aux alentours du sucrier tandis
que mémé prépare des tartines au beurre et à la confiture de coings ? Sentez-vous la
brise printanière ébouriffer la chevelure chatoyante de l'être bien-aimé et le Soleil
effleurer vos bras anémiés par l'absence de lumière et d'air frais ?
Par contre, est-ce que vous apercevez cet homme en costume noir et portant une serviette
en cuir beige foncé qui va sonner chez vos voisins ? Eh oui, depuis le 16 mars et la fin
de la trêve hivernale, les expulsions sont de nouveau possibles et certaines familles
redoutent l'arrivée de l'huissier, symbole de cette procédure tant décriée.
Heureusement, si de nombreuses procédures d'expulsion sont mises en route, peu d'entre
elles parviennent jusqu'à leur terme et cela pour plusieurs raisons.
Il y a d'abord l'attitude des pouvoirs publics (le préfet) qui accordent de moins en
moins souvent le concours de la police quand le locataire refuse de quitter son logement.
Il y a ensuite la mobilisation des diverses associations de défense des locataires qui
font pression sur les pouvoirs publics pour dénoncer cette procédure extrêmement
pénalisante.
Enfin, il y a la loi de lutte contre l'exclusion du 29 juillet 1998 qui permet aux juges
d'accorder d'office des délais de paiement si le locataire est en situation de régler sa
dette locative (2° étape) ou des délais pour quitter les lieux (3° étape).
Malgré cela, il y a près de 100 000 demandes par an devant les tribunaux d'instance pour
obtenir l'expulsion et il est intéressant de savoir comment agir face à une telle
procédure car, la plupart du temps, le pire pourrait être évité si les locataires
connaissaient et exerçaient leurs droits.
1° étape : le commandement
de payer
C'est l'acte par lequel un huissier ordonne au locataire de payer sa dette, à la
demande du bailleur. C'est le premier acte de la procédure d'expulsion. A noter que le
coût de cet acte d'huissier est à la charge du locataire.
A la réception de ce commandement de payer, le locataire a deux mois pour réagir
et il dispose de deux choix :
- soit il négocie avec le propriétaire en lui proposant un échelonnement du paiement de
la dette ; si le bailleur accepte, il faut lui faire signer un accord écrit avec un
calendrier précis des échéances et un engagement clair de sa part d'arrêter la
procédure ;
- soit il demande des délais pour payer en saisissant le Tribunal d'instance de son lieu
de domicile.
Très souvent, le locataire n'agit pas durant ce délai de deux mois alors qu'il y aurait
tout intérêt et il se retrouve à la deuxième étape
2° étape : le procès
Devant le silence du locataire, le bailleur saisit le juge d'instance pour faire
prononcer la résiliation du bail et l'expulsion du locataire.
Là encore, la réaction la plus courante de la part du locataire est de ne pas se rendre
au procès, alors qu'il est le premier concerné par le résultat de l'audience.
S'il n'y a qu'une chose à retenir, c'est que le locataire doit être présent à
l'audience qui décidera de son expulsion afin de bénéficier d'un des grands principes
de la justice : le principe du contradictoire.
En effet, le locataire peut répliquer aux demandes du bailleur et expliquer pour quelles
raisons il a une dette de loyer (perte de revenus due à un licenciement ou à la maladie,
nouvelle charge de famille
). Le juge écoutera ses arguments et si le locataire lui
semble de bonne foi et en mesure de payer sa dette, il lui accordera des délais pour le
paiement et suspendra la procédure d'expulsion jusqu'à l'apurement total de la dette.
C'est pour cela qu'il est très important que le locataire soit présent au procès car il
peut réellement se défendre (sans avocat) et éviter l'expulsion.
Si le juge prononce l'expulsion, on passe à la troisième étape.
3° étape : le commandement de quitter les lieux
L'huissier adresse au locataire ce commandement et il a deux mois (trois mois dans
certains cas), à compter de la réception de l'acte, pour quitter les lieux. Durant
ce délai de deux mois, l'expulsion ne peut avoir lieu et le locataire peut demander des
délais supplémentaires pour partir au juge de l'exécution à tout moment.
Ainsi, si un locataire reçoit un commandement de quitter les lieux le 09 septembre,
l'expulsion ne peut avoir lieu avant le 10 novembre (délai de deux mois). Toutefois,
l'expulsion ne pourra pas non plus avoir lieu le 10 novembre puisque c'est la trêve
hivernale (du 1° novembre au 15 mars). Ainsi, le locataire est protégé jusqu'au 15 mars
pour un commandement reçu le 09 septembre, soit six mois de délai qu'il doit utiliser
pour trouver un autre logement et saisir le juge de l'exécution pour obtenir des délais
supplémentaires.
Si vous n'avez pas obtenu de délais supplémentaires et que l'huissier est à votre
porte, c'est la 4° et dernière étape.
4° étape : l'expulsion
L'huissier ne vous avertit pas de sa venue et pour un commandement de quitter les lieux
dont le délai expire, par exemple, le 20 mars, il peut parfaitement venir au mois de
septembre.
Toutefois, grâce à la loi contre l'exclusion, l'expulsion ne peut avoir lieu que
si le locataire est présent et n'oppose pas de résistance verbale à l'huissier.
Ainsi, si le locataire est absent ou exprime clairement qu'il veut rester dans son
domicile, l'huissier devra revenir avec la police pour réaliser l'expulsion.
En conclusion, on peut dire que cette procédure est complexe pour le bailleur et qu'elle
lui demande beaucoup d'énergie si son locataire se défend et utilise ses droits
correctement.
En moyenne, la procédure dure entre 15 et 18 mois et cela démontre bien que l'expulsion
peut être évitée si le locataire prend conscience du danger qui le menace. |