En
rentrant d'une ballade en mer, au large du Havre, une famille, les Roland, apprend que
leur notaire doit venir les voir dans la soirée. Inquiets, ils sont rapidement rassurés
car l'homme de loi leur apprend qu'un ami lointain, M. MARECHAL, qu'ils ont connu à Paris
et qu'ils n'ont pas revu depuis leur arrivée au Havre, a fait du fils cadet de la
famille, Jean, son légataire universel. Tous se réjouissent de cette arrivée inattendue
d'argent, notamment à un moment où Jean souhaite s'installer en ville pour commencer son
activité d'avocat.
Pierre, le fils aîné, fait part de cet événement à deux personnes. Par leur réaction
à cette nouvelle, ils laissent entendre que si ce vieil ami n'a laissé son héritage
qu'à un seul des deux fils Roland, c'est qu'il y a une raison précise : ce fils est le
sien !
Pierre va alors être rongé par le doute, se demandant si ce n'est pas la jalousie qu'il
éprouve envers son frère qui le pousse à croire à cet amour adultérin et à salir
l'origine de cette fortune. Torturé mais souhaitant connaître la vérité, il va
réfléchir à la possibilité d'une telle chose. Analysant la situation, notamment la
beauté de sa mère, son caractère romantique et la médiocrité de son père, il va
réaliser qu'il n'y aurait rien d'exceptionnel à ce que sa mère ait trompé son mari
plus de vingt auparavant.
Son soupçon va être confirmé par l'attitude de sa mère qui va feindre de ne pas savoir
où se trouve une ancienne photo de MARECHAL. Dès lors, Pierre, se sentant trahi dans son
amour filial, estimant qu'une mère ne peut pas mentir ainsi à son fils, va la faire
souffrir en lui faisant sentir sa haine à son égard. A cela va s'ajouter le poids
d'être le seul à connaître ce secret et à devoir combattre son envie d'en informer son
frère et qui use de cet argent sans se douter de rien, heureux de cette soudaine chance
alors que son frère endure les pires maux.
Au cours d'une dispute avec son frère Jean qui l'accuse d'être jaloux de lui et de sa
future union avec une jeune et jolie veuve, il va lui révéler la vérité, l'accusant de
déshonorer leur famille en acceptant cet héritage qui signe l'adultère de leur mère.
Mme ROLAND va alors avouer à Jean que ce que Pierre lui a dit est la vérité est qu'il
est effectivement le fils de MARECHAL. Ayant trop souffert, elle va exprimer son désir de
partir afin de ne pas devoir supporter les regards de ses deux fils mais Jean va la
convaincre de rester. Lors d'un passage qui est certainement le plus beau du livre, elle
va alors expliquer à Jean qu'elle ne regrette rien et que sa liaison avec MARECHAL a
été à l'origine des seuls moments de bonheur de sa vie, avec ses deux fils. Elle va lui
demander non pas de lui pardonner mais au contraire d'entretenir le souvenir de son père
(et son amant) afin que la honte cède la place au souvenir du défunt. Jean va accepter
et faire en sorte, comme sa mère l'a supplié, d'éloigner Pierre.
" Pierre et Jean " est un très beau roman sur un secret qui réapparaît de
nombreuses années plus tard de façon inattendue. C'est une histoire simple mais
également complexe en raison des dilemmes et des tourments auxquels sont confrontés les
trois principaux personnages : Pierre ne peut croire à la faute de sa mère car il l'aime
mais les faits lui montrent le contraire ; Jean voudrait refuser cet argent mais il en a
besoin et envie ; Mme ROLAND aime ses deux fils mais elle veut que Pierre soit loin
d'elle, afin de pouvoir continuer à vivre normalement et ne plus sentir la gêne dans le
regard de son fils aîné.
Maupassant a une vision pessimiste de la famille avec un père qui n'a jamais eu d'autres
ambitions que de gagner de l'argent, un fils instable et se croyant supérieur, un autre
fils plus pragmatique mais passif et acceptant les compromis. Finalement, seule la mère
semble plus équilibré, si ce n'était cet adultère qui est à l'origine de ce drame
familial.
C'est également une charge contre le conformisme de la petite-bourgeoisie avec des hommes
sans aucune profondeur et sans intelligence qui font le malheur de leur épouse et les
oblige à connaître une vraie passion dans les bras d'un autre. L'attrait de l'argent est
également dénoncé avec un fils qui se convainc de garder l'argent en cherchant des
arguments douteux qui n'ont d'autres buts que justifier ce qu'il a déjà décidé au fond
de lui (n'oublions pas que c'est un avocat et qu'il n'y a donc pas de vérité absolue
dans son esprit
). Finalement, on pourrait conclure en disant que l'argent ne fait
pas le bonheur
Encore quelques mots pour dire que ce n'était pas la première fois que je lisais ce
roman. Je l'avais étudié en classe de première et bien que je n'aime pas beaucoup les
auteurs classiques, j'avais plutôt apprécié. Douze ans plus tard, certains passages
m'ont plus marqué et j'ai certainement mieux compris des choses qui devaient m'échapper
à l'époque. On devrait toujours relire les livres qu'on a aimés, tous les dix-quinze
ans, pour s'apercevoir que notre esprit et que notre conception de la vie se modifient au
fil du temps.
Bonne lecture ! |