Max le petit potiron voyait bien quil était différent de ses amis potirons. Pourquoi sa peau était-elle violette alors que, normalement, elle aurait dû être orange ? Chaque jour, il regardait les autres potirons, petits ou plus grands, et il prenait conscience que lorange était la couleur qui convenait le mieux à ses semblables. De plus, il habitait dans un endroit du potager qui était à lécart des autres légumes et même des autres potirons. Il ne comprenait pas cette situation mais il nosait pas demander à qui que ce soit les raisons de cette différence. Personne nétait méchant avec lui mais il sentait que les nombreux légumes du potager se posaient des questions à son sujet. Un potiron qui avait la couleur dune aubergine, on navait jamais vu ça ! Et voilà que le potager avait appris une nouvelle stupéfiante : une carotte avait poussé dans un potager, à 5 ou 6 maisons de là et cette carotte était blanche ! Oui, blanche comme la neige qui recouvre la terre du potager, en hiver. En apprenant cette nouvelle, quelques légumes, parmi les plus hardis, allèrent interroger Solana laubergine qui était connue pour son mauvais caractère. Grenada la pomme de terre, qui était une lointaine cousine de Solana, lui demanda si elle savait pourquoi Max le potiron avait la même couleur quelle. Il y avait peu de légumes qui était violet et ils navaient rien à voir avec le potiron : le chou rouge violet foncé, le navet avec sa robe violette et, évidemment, laubergine. « Je ne sais vraiment pas pourquoi vous me demandez cela, dit Solana ! - Cest parce que tu es le plus vieux légume du potager, répondit Granada et que tu connais beaucoup de choses. Comme Max a la même couleur que toi, nous pensions que tu avais une idée de ce qui lui était arrivé. - Je ne me suis jamais intéressée à ce potiron décoloré, dit-elle mais il est vrai son allure meffraie un peu. Comme si une dentre nous avait été aplatie et regonflée pour obtenir la forme dun ballon ! » Elle ricana en réfléchissant à ce quelle venait de dire puis regarda méchamment son auditoire composé dune pomme de terre, dun poireau et dune scarole. « Je crois quun jour tous les légumes seront comme ce potiron. Nous serons de nimporte quelle couleur, de nimporte quelle forme et de nimporte quel goût ! Ce ne seront plus des légumes mais des objets comme les autres. Ce petit potiron est un mauvais exemple pour nous tous. Jai entendu lhistoire de cette carotte blanche ! Il faut quil parte, quil quitte notre potager. » Les trois légumes présents nen crurent pas leurs oreilles : ils savaient que Solana navait pas une bonne réputation mais jamais ils navaient pensé quelle leur dirait cela. Ils revinrent raconter aux autres légumes les paroles apocalyptiques de laubergine. « Cest nimporte quoi sécrièrent les tomates et les asperges. Solana est vieille et méchante. Elle ferait mieux de se taire ! - Elle a raison, hurlèrent les carottes et les endives (qui navaient pas lhabitude du soleil et qui disaient des bêtises). Un potiron violet et une carotte blanche aujourdhui, une tomate bleue demain et un canard à trois pattes après-demain. Max est un danger pour tous les légumes et il doit partir, nous laisser vivre en paix ! » Curieusement, beaucoup dautres légumes ne dirent rien et se contentèrent de regarder placidement les deux camps se lancer des mottes de terre sèches et dures. Seuls les potirons sétaient tenus à lécart, observant de loin ce qui se passait. Ils sétaient mis en rond, avec Max au milieu. Ce dernier ne comprenait pas ce qui se passait. Il avait toujours été violet et cela navait jamais posé de gros problèmes. Pourquoi, tout dun coup, sen prenaient-on à lui ? Il allait demander cela au chef des potirons quand celui-ci lui adressa la parole. « Max, je ne sais pas pourquoi tu es comme ça mais ta présence sème le trouble au sein du potager. » Il tourna alors son regard vers le tumulte causé par les légumes sinvectivant. « Je nai quune chose à te dire : pars et découvre le secret de ta couleur. Une fois que tu auras découvert la clef de ce mystère, tu reviendras et tu pourras rassurer tout le monde. La seule chose que je puisse te dire est que jai entendu parler de créatures étranges qui, avant même que le légume ne pousse, lui jette un sort. - Connais-tu leur nom ?, demanda Max dune voix timide, comprenant la gravité de la situation - Daprès ce que jai entendu en demandant aux légumes les plus sages et les plus savants, ce sont les Zojéhaims. - Les quoi ?!, dit Max, fronçant les sourcils - Les zo-jé-haims , répéta en articulant le chef des potirons. Il se dirigea alors en direction des autres légumes qui continuaient à se battre et leur dit ce quil venait de dire à Max : il allait partir, tenter de découvrir le mystère de sa couleur et revenir pour leur dire la vérité et réintégrer le potager. Tout le monde se calma et estima que cétait la meilleure solution. Max navait jamais entendu parler de ces petits êtres malfaisants, les Zojéhaims, et il se demanda comment ils allaient les trouver et leur demander dexpliquer leurs pouvoirs. Il se dit que la première chose à faire était de trouver un autre légume victime des Zojéhaims et il pensa immédiatement à la carotte blanche. Le lendemain matin, avant que le soleil ne soit levé, il quitta le potager où il avait toujours vécu et se mit à la recherche de cette fameuse carotte blanche. Comme tout le monde, il avait entendu cette histoire et il savait que le potager où était apparue la carotte blanche nétait pas très loin. Il demanda aux premiers légumes quil vit sur sa route, un petit pois pas plus gros que son nez, où il pouvait trouver cette carotte. « Les légumes du potager lont obligé à partir. Quand ils ont vu sa couleur, ils ont tous eu peur et le Conseil des grosses légumes sest réuni immédiatement. Ils ont décidé de lexpulser. - Ca sest passé quand ?, demanda Max - Hier après-midi et elle a dû partir tout de suite, sans même pouvoir emporte son fane. - Est-ce quelle ta dit où elle allait ? - Euh, moi, je nai pas bien compris. Quand je suis allé la voir pour la consoler, elle ma parlé du pays des Zojéhaims mais je crois quelle disait nimporte quoi et que.. - Les zojéhaims !, sécria Max. Comme les petits êtres dont ma parlé le chef des potirons. Il avait donc raison ! » Il remercia vivement le petit pois et continua sa route. Toutefois, il navait toujours aucune idée de lendroit où pouvait se cacher les Zojéhaims. Est-ce que la carotte blanche savait, elle, où ils étaient ? Optimiste, il décida de suivre la direction du soleil en pensant que le destin lui serait favorable et quil le mettrait en présence de cette fameuse carotte. Un jour passa, puis un autre, puis encore un autre et puis bien dautres sans quil déniche cette satanée carotte ou ces Zojéhaims de malheur qui les avaient rendus différents, leur ôtant la couleur orange propre à leurs espèces respectives. Découragé, Max errait désormais sans but précis, ne sachant plus vraiment quel était lobjet de sa quête. Par une froide nuit dautomne, il se réfugia dans un potager abandonné où les mauvaises herbes et les ronces reprenaient possession du terrain. Exténué, il sendormit sans sen rendre compte au milieu de ce terrain vague. Il fut réveillé par des pleurs, provenant dun buisson qui délimitait involontairement lancien potager. Il remarqua que la lune était plus haute dans le ciel quelle ne létait lorsquil sétait endormi. La température sétait un peu adoucie et la brume sétait levée. Il écouta attentivement et réalisa quil ne rêvait pas. Quelquun pleurait, régulièrement et doucement. Il se leva et alla en direction des pleurs. Ecartant les branches, il devina plus quil ne vit une petite carotte, blottie contre la terre. « Bonjour », lui dit-il. « Pourquoi tu pleures ? » La petite carotte, surprise, arrêta de pleurer et regarda Max. « Je je suis perdue. Je me suis réfugiée ici pour dormir cette nuit mais jai eu peur dêtre seule dans lobscurité et je me suis mise à pleurer. Et toi ? - Moi, je suis un peu perdu aussi. Je je cherche quelquun et quelque chose au hasard depuis plusieurs jours et je ne sais plus trop où je suis. - Ah bon ! Et tu cherches quoi ? - Oh, tu sais, je ne sais pas si cest très intéressant et cest un peu compliqué. Là, comme il fait noir, tu ne le vois pas mais je suis violet. Pour un potiron, cest un peu bizarre ! Alors, les légumes du potager ont eu peur et le chef des potirons ma demandé de quitter le potager pour que je découvre le secret qui ma rendu ainsi. » La petite carotte ne perdait pas un mot de ce que Max disait. « Tout ce quil ma dit, cest que les responsables de ma différence sappelaient les Zojéhaims, de petits êtres qui jettent des sorts. Ca peut paraître ridicule comme histoire mais je sais que quelquun qui a le même problème que moi cherche aussi ces Zojéhaims pour découvrir la vérité. Cest une petite carotte blanche qui a dû quitter son potager, elle aussi. - Je crois que je connais cette petite carotte blanche qui cherche les Zojéhaims. Tu sais, quand il fera jour, tu tapercevras que je ne suis pas orange, tout comme toi. » Disant cela, elle sortit du buisson et la lumière blanchâtre de la lune vint léclairer, révélant ce que lobscurité complète cachait : elle était blanche. Cétait la carotte blanche que Max cherchait depuis si longtemps sans succès et il avait fallu quil se réfugie nimporte où, harassé, pour enfin la trouver. Nen croyant pas ses yeux, Max ne trouva rien à dire. Il se contenta de sourire et de serrer contre lui la petite carotte blanche. Ils restèrent plusieurs minutes ainsi, comme un frère et une sur qui se retrouvent après une longue période de séparation. Soudain, Max reprit ses esprits et demanda tout à coup à la petite carotte : « Comment tappelles-tu ? Jai oublié de te demander ton nom ! - Je mappelle Ombelline. - Et pourquoi pleurais-tu ainsi ? Ce sont tes pleurs qui mont réveillé. Jai cru que je rêvais mais jai compris que quelquun était près de moi et quil était très triste. Est-ce que tu étais perdue ? - Non, au contraire, je sais où je suis. Je suis sur le chemin du retour. Après plusieurs semaines de périple, je reviens dire la vérité à mon potager. » Max comprenait quil allait bientôt apprendre ce quil cherchait à savoir depuis quil avait quitté son potager. Où se cachait les Zojéhaims ? Qui étaient-ils ? Pourquoi ils lavaient fait violet et allaient-ils lui rendre la couleur orange qui parait ordinairement les potirons ? Toutes ces questions se bousculaient dan sa tête et il entendit à peine ce quOmbelline dit. « La vérité, cest que les Zojéhaims nexistent pas. Cest une légende pour les légumes comme nous qui avons de drôles de couleur. - Comment tu sais ça ? Qui ta dit que les Zojéhaims nexistaient pas. Le chef des potirons ma bien dit que - Il ta menti ! Ils mont expliqué quon leur avait menti à eux aussi, quils devaient découvrir le secret de leur différence et ils ont compris que cétait faux quand ils ont comparé leur situation ! - Qui cest « ils », demanda brusquement Max, ne comprenant pas ce que la carotte lui disait. - « Ils », ce sont le petit pois orange, loignon qui sent la rose, luf cubique, la poule sans plume, le cochon à huit pattes...toute une tripotée dêtres comme nous, à qui on a dit daller rechercher la vérité, à qui on a affirmé que les responsables de leur particularité étaient les Zojéhaims alors que ça nexiste pas » Ombelline commença à sangloter en parlant et Max comprit quelle disait la vérité. On leur disait daller chercher les Zojéhaims pour les éloigner, sachant pertinemment quils nexistaient pas et que leur quête était vouée à léchec, les obligeant à errer. La seule et unique vérité était quon ne voulait pas deux ! Mais alors, pourquoi Ombelline rentrait-elle chez elle. Navait-elle pas compris que les siens ne voulaient plus delle. Il décida de lui demander. « Ombelline, pourquoi reviens-tu chez toi ? Ils ne veulent pas de nous, de toi, parce que nous ne sommes pas comme eux, nous sommes différents. Ils ne taccepteront pas et ils te fermeront leurs portes. - Je ne connais personne dautres. Ce sont les seuls amis que javais, les seules connaissances et.. - Et moi ! Je suis ton ami maintenant ! Bien sûr, je ne suis pas très beau, violet comme une aubergine et rond comme une montgolfière. Et puis, crois-tu vraiment que ce sont tes amis, ceux qui tont laissé partir en sachant très bien que tu ne trouverais rien ? » Ombelline réfléchit à ce que Max venait de lui dire. « Mais que va-t-on faire, demanda-t-elle ? - Viens, lui répondit-il, lentraînant sur la route qui bordait le potager, la prenant par la fane. Peut-être que vous ne me croirez pas mais une carotte blanche et un potiron violet peuvent tomber amoureux lun de lautre et fonder une famille. Leur premier enfant fut une ravissante petite carotte toute violette avec un trait blanc sur le côté gauche et leur second enfant un solide potiron rose. Ils sinstallèrent dans un potager inoccupé mais leur gentillesse attira dautres légumes pour qui limportant nétait pas la couleur de la peau mais la couleur de lesprit. Ils se firent de nombreux amis et ne regrettèrent jamais dêtre différents car cela leur avait apporté le bonheur. |
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